Les cauchemars : le théâtre de nos peurs et de nos angoisses

Tout le monde fait des cauchemars. Il est tout à fait normal d’en avoir, en moyenne, un par semaine. Ils participent à un système de nettoyage des inquiétudes du quotidien, des émotions négatives, des stress des jours précédents. Et malgré l’inconfort que cela génère, c’est un processus régulateur nécessaire à notre équilibre.

Qu’est-ce qu’un cauchemar? C’est une expérience de rêve chargée d’anxiété ou de peur s’accompagnant d’un souvenir très détaillé du contenu. Ce qui le distingue d’un mauvais rêve, c’est qu’il nous réveille.

Un peu d’histoire

Le terme “cauchemar” vient de “cauche”, forme romane du latin “calcare” signifiant “fouler, écraser”, “mar” vient du germanique “mahr” désignant une entité fantomatique montant à cheval et venant surprendre le dormeur dans son sommeil. Dans la Grèce antique, le cauchemar était désigné par le mot “Ephialtès” signifiant “se jeter sur”. Hippocrate lui attribuait une origine digestive. Selon lui, une mauvaise digestion pouvait déclencher un cauchemar. Thermison de Laodicée, quant à lui, mettait en avant les sensations d’étouffement ressenties pendant les cauchemars. On retrouve cette idée plus tard avec le terme “incubus” “se coucher sur” exprimant cette impression qu’un individu s’assied sur la poitrine du dormeur venant l’écraser et gêner sa respiration. Dans la croyance populaire, l’incubus est assimilé à un démon s’asseyant sur le dormeur et essayant de le violer. Au Moyen Âge, on entre dans l’ère de la sorcellerie et de la démonologie, le terme “cauchemar” est désigné par “cauquemaire”. Le manuel de démonologie “Le Malleus maleficarum” décrit les incubes et les succubes. Les succubes sont des démons prenant l’apparence d’une femme dans le but de séduire un homme dans son sommeil et de s’accoupler avec lui. L’incube est un démon masculin qui s’accouple de gré ou de force à une femme lorsqu’elle dort. A partir du 15ème siècle, des médecins vont discréditer ces théories au profit d’une origine psychophysiologique. Et au 17ème siècle, un lien sera établi entre la paralysie du sommeil et les sensations liées aux cauchemars.

Et dans le cerveau ?

Aujourd’hui, nous savons que les ressentis présents pendant les cauchemars se situe dans plusieurs régions cérébrales : l’insula qui est la zone impliquée dans l’évaluation des émotions pendant l’éveil et qui s’active en cas de peur, le cortex cingulaire qui, lui, joue un rôle dans la préparation des réactions motrices en cas de danger. Ces deux régions cérébrales sont activées lorsque nous avons peur que ce soit à l’éveil ou lors d’un rêve. L’amygdale, l’hippocampe et le cortex préfrontal sont également impliqués. L’amygdale intervient dans la reconnaissance des émotions et le cortex préfrontal est impliqué dans le langage et les raisonnements. L’hippocampe est liée à la mémoire, c’est là que s’élaborent les histoires effrayantes. Celle-ci amalgame des éléments anxiogènes issus de peurs réellement vécues avec des souvenirs anodins. Ces souvenirs activent l’amygdale qui abrite la mémoire de la peur.

A quoi servent les cauchemars ?

  • Digérer des émotions négatives ressenties la veille ou les jours précédents.

  • Simuler des situations menaçantes et nous y préparer. Une étude a montré que des étudiants ayant fait des cauchemars à propos de leur examen étaient ceux qui l’avaient le mieux réussi.

  • Nous aider à des prises de conscience

Les cauchemars nous permettent donc à la fois de mieux gérer le passé mais également de mieux nous préparer à l’avenir.

Les cauchemars nous montrent souvent quelque chose dont nous n’avons pas vraiment conscience. Ils peuvent refléter un conflit intérieur, une peur, une problématique que nous refusons de voir. Ils viennent alors nous informer et nous avertir : “attention, il y a quelque chose qui ne va pas et qui demande à être conscientisé et modifié”. Il est important de les prendre en compte, surtout quand ils reviennent et deviennent récurrents. Dans ce cas, ils viennent vraiment nous montrer que quelque chose demande à être entendu et à être réglé. En ce sens, les cauchemars peuvent être de véritables cadeaux car, grâce à eux, nous pouvons avancer et réinstaurer de l’équilibre.

Selon Virginie Megglé, les cauchemars sont “la mise en scène de ces épreuves initiatiques que nous devons affronter de la naissance au dernier jour”. Ils ravivent nos peurs les plus originelles et nous parlent de la nécessité à exister par nous-mêmes. Elle souligne que lorsque nous nous réveillons, terrorisés, c’est souvent l’enfant que nous étions qui se réveille dans le corps d’un adulte, de l’adulte que nous sommes devenus.

Quels sont les cauchemars les plus fréquents ?

D’après différentes études ainsi que les banques de rêves, les cauchemars les plus fréquents sont :

  • les agressions

  • les conflits interpersonnels

  • le sentiment d’échec, avec d’autres personnes ou avec nous-mêmes

  • l’impuissance

  • la mort

Quand parle-t-on de cauchemars pathologiques ?

Les cauchemars deviennent problématiques lorsqu’ils sont trop nombreux. A partir de plus de 3 cauchemars par nuit jusqu’à plusieurs dans une même nuit, ils sont qualifiés de pathologiques. S’endormir devient alors un moment qui est redouté et une trace des cauchemars est conservée toute la journée suivante, comme une empreinte qu’on ne parvient pas à effacer. Ce type de phénomènes peut très souvent être lié à des traumatismes ou un stress post traumatique. Cependant, il y a aussi des personnes qui souffrent de cauchemars chroniques mais qui n’ont jamais vécu de drame dans leur vie ni de traumatisme particulier.

Comment retrouver des nuits sereines ?

Certains cauchemars disparaissent lorsqu’on en parle avec une personne compétente. On va explorer le sens qui peut être très varié. En effet, cela peut être lié à un épisode contextuel de la vie comme à une angoisse plus profonde, ou encore un inconscient familial qui resurgit. Mais le fait d’entreprendre un travail d’introspection avec un.e professionnel.le suffit souvent à le faire disparaitre.

Commencer une thérapie brève à base d’imagerie mentale visuelle et d’imagination. La personne en proie à des cauchemars va apprendre à changer le scénario du mauvais rêve, d’abord en étant éveillé puis à force de le répéter, cela va se produire au cours de la nuit. C’est une sorte de reprogrammation.

Les rêves lucides seraient également très efficaces. Le fait de prendre conscience pendant la nuit que nous sommes en train de faire un cauchemar et que soit, nous allons mener une action ou soit, nous allons en sortir aiderait également à maitriser les mauvais rêves. Le peuple Senoï est connu pour apprendre dès l’enfance à faire face aux cauchemars en ne fuyant pas, en faisant face, en affrontant ses peurs dans le rêve de manière consciente. Cela aiderait également à affronter les difficultés de la vie, à se sentir prêt en cas d’obstacle ou de peur.

En conclusion, je dirais que les cauchemars sont en général des cadeaux de l’inconscient afin de nous montrer un schéma, un comportement qui n’est pas adapté et qui demande à être modifié. Partager ses cauchemars avec une personne compétentes dans le domaine est souvent une solution pour les faire disparaitre. En revanche, en cas de cauchemars pathologiques, une thérapie brève s’avère très efficace.

Sources :

Le cauchemar : histoire du concept, données cliniques et implications sociétales in L’information psychiatrique,vol. 86, n°1, janvier 2010

A quoi servent les cauchemars psychologie.com

podcast sur les cauchemars

La créativité onirique, du rêve ordinaire au rêve lucide, Patricia L. Garfield

Précédent
Précédent

Se souvenir de ses rêves